CP 02992/en: Difference between revisions

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I actually wrote to you straight away to express my deep gratitude but my letter has been unlucky. Taken straight to Boulevard Flandrin<ref name="n2" /> because it was too late for the rue de la Victoire<ref name="n3" />, they said you no longer lived there. So the next day I sent it to the rue de la Victoire, you weren’t there<ref name="n4" />. Today (which makes it forty eight hours without you having any means of knowing that I am not ungrateful, which makes me feel ill) I sent back to the rue de la Victoire to ask for your new address (which should have been done in the first place) and they refused to give it out<ref name="n5" />. So I am going to send this note back again to rue de la Victoire in the hope that one day or another you will know of my gratitude.
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Tu es bien aimable, (et, je le crains, un peu moqueur), quand tu dis que tu as lu ma lettre avec intérêt ; car rien n'est plus ennuyeux, sauf pour le questionneur, que ces demandes de conseil. Mais tu comprendras facilement que moi j'aie pu lire ta réponse avec grand intérêt, car tu y traites de questions générales, comme celle du change, et j'ai lu cela comme un article de Revue de Paris, mais mieux fait. Dans l'intervalle le directeur de l'Agence du Crédit Industriel est venu en congé de trois mois et m'a adressé un tableau détaillé des hausses et des baisses. Je pourrais dire des baisses car rien n'a monté. En examinant mieux le Compte Rothschild (je voulais te l'envoyer mais j'ai eu peur de t'assommer) j'ai vu que la Jutland et le Hollandais y tiennent une trop petite place pour pouvoir être utiles. En revanche de gros paquets de Banque Espagnole du Rio de la Plata, de Santa Fé, de Chilien 5 %, de Russe, bénéficient peut-être de cette question du change ? Ne prends pas la peine de me l'écrire. Je le demanderai au Crédit Industriel et tremble qu'il me dise que c'est à vendre. Car alors il faudra affronter Monsieur Neuburger. Quant aux valeurs qui ne donnent pas d'intérêts comme la Doubowaïa Balka naturellement j'aimerais mieux les vendre. Mais le capital a par trop baissé. Quant aux Mines d'Or j'ignore si la guerre leur profitera. Et puis elles donnent de bons revenus.
You are very kind (and I fear a little mocking), when you say you read my letter with interest; because there is nothing more boring, except on the part of the questioner, than these requests for advice. But you can easily understand that in my case I read your reply with great interest, because in it you deal with general questions, such as the exchange rate, which I read as if it were an article in the Revue de Paris, only better written. In the meantime the director of the Agence du Crédit Industriel has come back from three months’ leave and sent me a detailed table of gains and losses. I should just say losses because nothing has gone up. On taking a closer look at the Rothschild account (I wanted to send you it but I was afraid of boring you to death) I see that the Jutland and the Dutch have too little presence to be of any use. On the other hand might large groups of Bank of Spain, Rio, La Plata, Santa Fé, Chilean 5%, Russia, perhaps benefit from the point of view of exchange rates? Don’t trouble yourself writing back to me. I’ll ask the Crédit Industriel and shudder that he might tell me that I need to sell. Because then I will have to confront Monsieur Neuburger. As for the shares that are not giving any interest, such as the Doubowaïa Balka, I would naturally prefer to sell them. But the capital has fallen too low. As for the Gold Mines, I don’t know if the war will profit them. But then they provide a good income.


Je n'ai pas compris ce que tu m'as dit relativement à mon coulissier, mais puisque je ne suis pas obligé de lever les titres<ref name="n6" />, cela m'est égal. D'ailleurs ces valeurs sont plus basses qu'en juin. Néanmoins je vais lui écrire qu'il peut arrêter le jeu<ref name="n7" />, s'il veut. Tu as donc été gentil, bon, délicieux, dans tous tes conseils, et de me les donner si vite, et si détaillés. Il me semble (ceci dit très affectueusement) que tu l'as été un peu moins quand tu t'es dit heureux que je fusse versé dans le service armé car tu sais très bien que dans mon état de santé ce serait ma mort en quarante-huit heures. Sans doute la vie que je mène n'a rien d'agréable et même en sachant que je ne peux être utile en rien à l'armée, je me serais utile à moi-même en me laissant supprimer. Mais je désire beaucoup terminer l'ouvrage commencé et y déposer des vérités dont je sais que beaucoup se nourrissent et qui sans cela seront détruites avec moi. D'ailleurs (et c'est ce qui a causé le premier retard à te remercier) comme je venais de recevoir ta lettre on m'a inopinément annoncé de nouveaux médecins militaires, à ma grande surprise puisque j'étais ajourné à six mois (la loi Dalbiez<ref name="n8" /> en est sans doute cause). La conséquence a été que je suis au contraire proposé pour la Réforme. J'espère tout de même que je ne te cause pas de tristesse en te le disant.
Je n'ai pas compris ce que tu m'as dit relativement à mon coulissier, mais puisque je ne suis pas obligé de lever les titres<ref name="n6" />, cela m'est égal. D'ailleurs ces valeurs sont plus basses qu'en juin. Néanmoins je vais lui écrire qu'il peut arrêter le jeu<ref name="n7" />, s'il veut. Tu as donc été gentil, bon, délicieux, dans tous tes conseils, et de me les donner si vite, et si détaillés. Il me semble (ceci dit très affectueusement) que tu l'as été un peu moins quand tu t'es dit heureux que je fusse versé dans le service armé car tu sais très bien que dans mon état de santé ce serait ma mort en quarante-huit heures. Sans doute la vie que je mène n'a rien d'agréable et même en sachant que je ne peux être utile en rien à l'armée, je me serais utile à moi-même en me laissant supprimer. Mais je désire beaucoup terminer l'ouvrage commencé et y déposer des vérités dont je sais que beaucoup se nourrissent et qui sans cela seront détruites avec moi. D'ailleurs (et c'est ce qui a causé le premier retard à te remercier) comme je venais de recevoir ta lettre on m'a inopinément annoncé de nouveaux médecins militaires, à ma grande surprise puisque j'étais ajourné à six mois (la loi Dalbiez<ref name="n8" /> en est sans doute cause). La conséquence a été que je suis au contraire proposé pour la Réforme. J'espère tout de même que je ne te cause pas de tristesse en te le disant.

Revision as of 06:27, 11 January 2021

Other languages:

Marcel Proust to Lionel Hauser Friday [27 August 1915]

Friday[1]

My dear Lionel

I actually wrote to you straight away to express my deep gratitude but my letter has been unlucky. Taken straight to Boulevard Flandrin[2] because it was too late for the rue de la Victoire[3], they said you no longer lived there. So the next day I sent it to the rue de la Victoire, you weren’t there[4]. Today (which makes it forty eight hours without you having any means of knowing that I am not ungrateful, which makes me feel ill) I sent back to the rue de la Victoire to ask for your new address (which should have been done in the first place) and they refused to give it out[5]. So I am going to send this note back again to rue de la Victoire in the hope that one day or another you will know of my gratitude.

You are very kind (and I fear a little mocking), when you say you read my letter with interest; because there is nothing more boring, except on the part of the questioner, than these requests for advice. But you can easily understand that in my case I read your reply with great interest, because in it you deal with general questions, such as the exchange rate, which I read as if it were an article in the Revue de Paris, only better written. In the meantime the director of the Agence du Crédit Industriel has come back from three months’ leave and sent me a detailed table of gains and losses. I should just say losses because nothing has gone up. On taking a closer look at the Rothschild account (I wanted to send you it but I was afraid of boring you to death) I see that the Jutland and the Dutch have too little presence to be of any use. On the other hand might large groups of Bank of Spain, Rio, La Plata, Santa Fé, Chilean 5%, Russia, perhaps benefit from the point of view of exchange rates? Don’t trouble yourself writing back to me. I’ll ask the Crédit Industriel and shudder that he might tell me that I need to sell. Because then I will have to confront Monsieur Neuburger. As for the shares that are not giving any interest, such as the Doubowaïa Balka, I would naturally prefer to sell them. But the capital has fallen too low. As for the Gold Mines, I don’t know if the war will profit them. But then they provide a good income.

Je n'ai pas compris ce que tu m'as dit relativement à mon coulissier, mais puisque je ne suis pas obligé de lever les titres[6], cela m'est égal. D'ailleurs ces valeurs sont plus basses qu'en juin. Néanmoins je vais lui écrire qu'il peut arrêter le jeu[7], s'il veut. Tu as donc été gentil, bon, délicieux, dans tous tes conseils, et de me les donner si vite, et si détaillés. Il me semble (ceci dit très affectueusement) que tu l'as été un peu moins quand tu t'es dit heureux que je fusse versé dans le service armé car tu sais très bien que dans mon état de santé ce serait ma mort en quarante-huit heures. Sans doute la vie que je mène n'a rien d'agréable et même en sachant que je ne peux être utile en rien à l'armée, je me serais utile à moi-même en me laissant supprimer. Mais je désire beaucoup terminer l'ouvrage commencé et y déposer des vérités dont je sais que beaucoup se nourrissent et qui sans cela seront détruites avec moi. D'ailleurs (et c'est ce qui a causé le premier retard à te remercier) comme je venais de recevoir ta lettre on m'a inopinément annoncé de nouveaux médecins militaires, à ma grande surprise puisque j'étais ajourné à six mois (la loi Dalbiez[8] en est sans doute cause). La conséquence a été que je suis au contraire proposé pour la Réforme. J'espère tout de même que je ne te cause pas de tristesse en te le disant.

Ne prends toute cette dernière partie de ma lettre que comme elle est écrite, c'est-à-dire « cum grano salis » et en revanche que ce soit dans la plénitude de son sens que tu veuilles bien croire à ma reconnaissante affection.

Marcel Proust

Ne dis à personne ce que je t'ai dit de mon frère[9] car il n'en a parlé à personne, je ne l'ai su qu'indirectement, cela n'a jamais interrompu ses travaux et j'espère qu'il en triomphera.

P. S. Maintenant que j'ai été revisité, je tâcherai de faire une ou deux tentatives de sortie. La première sera pour aller te remercier si je peux te joindre. Et je te demanderai si tu possèdes mon livre illustré par Madeleine Lemaire (les Plaisirs et les Jours). Sinon je serai heureux de te l'envoyer, il est assez joli à regarder pour que même sans prendre la peine de le lire, tu puisses trouver du plaisir à en examiner les dessins. peut-être je te l'ai donné autrefois. Je ne me souviens plus.

J'ai trouvé (je saute au premier sujet) que les Obligations d'Égypte, les Chemins fédéraux suisses, les Tunisiennes, la Rente, le Suez ont bien baissé pour les vendre. Je me suis arrêté provisoirement à l'Azote et à la Compagnie des Eaux.

[10] [11]

Notes

  1. Note 1
  2. Note 2
  3. Note 3
  4. Note 4
  5. Note 5
  6. Note 6
  7. Note 7
  8. Note 8
  9. Note 9
  10. Translation notes:
  11. Contributors: