CP 02929/en: Difference between revisions

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Mon cher Marcel
My dear Marcel


Je vous retrouve tout entier dans cette longue lettre<ref name="n2" /> que vous avez pris la peine de m'écrire, et qui me touche et m'amuse. J'espère qu'elle ne vous aura pas causé trop de fatigue et quant à moi je vous assure qu'elle m'a été bien agréable à lire. Il me semblait que je causais avec vous. Je réponds donc à ce que vous me dites. Je vous assure que nos mélancolies se ressemblent beaucoup car elles doivent avoir les mêmes causes, et que notre désenchantement général provient de l'effondrement auquel nous assistons. Ne dites pas que votre état moral est incurable, car vous êtes jeune, et pouvez avoir l'espoir d'assister à une renaissance tandis que moi je n'en aurai pas le temps ; et je ne puis finir mes jours que dans la tristesse. Malgré cela je tâche de réagir je fais appel à mon énergie croyant qu'il m'en reste encore un peu, je travaille en cherchant à me persuader que cela m'intéresse et surtout pour ne pas penser à autre chose.
Je vous retrouve tout entier dans cette longue lettre<ref name="n2" /> que vous avez pris la peine de m'écrire, et qui me touche et m'amuse. J'espère qu'elle ne vous aura pas causé trop de fatigue et quant à moi je vous assure qu'elle m'a été bien agréable à lire. Il me semblait que je causais avec vous. Je réponds donc à ce que vous me dites. Je vous assure que nos mélancolies se ressemblent beaucoup car elles doivent avoir les mêmes causes, et que notre désenchantement général provient de l'effondrement auquel nous assistons. Ne dites pas que votre état moral est incurable, car vous êtes jeune, et pouvez avoir l'espoir d'assister à une renaissance tandis que moi je n'en aurai pas le temps ; et je ne puis finir mes jours que dans la tristesse. Malgré cela je tâche de réagir je fais appel à mon énergie croyant qu'il m'en reste encore un peu, je travaille en cherchant à me persuader que cela m'intéresse et surtout pour ne pas penser à autre chose.

Revision as of 06:24, 8 January 2021

Other languages:

Madeleine Lemaire to Marcel Proust Tuesday 6 April [1915]

Tuesday 6 April[1]

My dear Marcel

Je vous retrouve tout entier dans cette longue lettre[2] que vous avez pris la peine de m'écrire, et qui me touche et m'amuse. J'espère qu'elle ne vous aura pas causé trop de fatigue et quant à moi je vous assure qu'elle m'a été bien agréable à lire. Il me semblait que je causais avec vous. Je réponds donc à ce que vous me dites. Je vous assure que nos mélancolies se ressemblent beaucoup car elles doivent avoir les mêmes causes, et que notre désenchantement général provient de l'effondrement auquel nous assistons. Ne dites pas que votre état moral est incurable, car vous êtes jeune, et pouvez avoir l'espoir d'assister à une renaissance tandis que moi je n'en aurai pas le temps ; et je ne puis finir mes jours que dans la tristesse. Malgré cela je tâche de réagir je fais appel à mon énergie croyant qu'il m'en reste encore un peu, je travaille en cherchant à me persuader que cela m'intéresse et surtout pour ne pas penser à autre chose.

Quel malheur que je ne puisse pas parler de tout cela avec vous et que c'est triste de ne plus causer ensemble comme autrefois, et de ne pas confondre nos deux mélancolies, ce qui nous donnerait peut-être plus de force pour les supporter.

Merci pour l'offre de votre médecin[3], je l'accepterai pour ma prochaine maladie, car la mienne touche à sa fin j'espère. Je vais mieux et ce n'est pas trop tôt après quatre semaines et si le beau temps venait je guérirais tout à fait et je pourrais enfin reprendre le chemin de Réveillon ; car je suis bien malheureuse d'y sentir Suzette toute seule.

Je passe au troisième point de votre lettre les pillules laxatives. Merci aussi pour cela !!! Je n'en ai pas besoin.

Mais comme vous pensez à tout !

Je sais que le mari de Céleste n'a pas une voiture qui lui permette de faire un grand trajet[4]. Mais j'espère toujours qu'on va reconstituer un train pour la Marne car on l'a réclamé à la Compagnie. Pardon de vous parler si longuement de moi et de choses si peu intéressantes mais je vous réponds.

Maintenant parlons de vous. Je suis désolée de vous savoir si mal en train. Je vous avais trouvé si bien l'année dernière quand je vous avais rencontré à la conférence[5] de Reynaldo. Vous aviez retrouvé votre mine d'autrefois. Pourtant l'année a été belle pour vous au point de vue littéraire, vous avez eu de gros succès, qui vous étaient bien dûs. Cela a dû vous faire plaisir quand même.

Quand pourrai-je vous revoir ? Je dois revenir au mois de mai. Je vous assure que ce serait une joie pour moi de vous revoir et de causer[6].

Je vous embrasse

Madeleine Lemaire

Excusez le décousu de ma lettre. Je suis fatiguée.

[7] [8]

Notes

  1. Note 1
  2. Note 2
  3. Note 3
  4. Note 4
  5. Note 5
  6. Note 6
  7. Translation notes:
  8. Contributors: