CP 02890/en: Difference between revisions

From Corr-Proust Wiki
Jump to navigation Jump to search
(Created page with "Dear friend")
(Created page with "In this terrible anguish of war and the anguish that was my “Pre-War”<ref name="n2" /> (because the whole of last summer was for me the cruellest of my life<ref name="n3"...")
Line 10: Line 10:
Dear friend
Dear friend


Dans cette terrible angoisse de la Guerre, et dans l'angoisse qui a été mon « Avant-Guerre »<ref name="n2" /> (car tout l'été dernier a été pour moi le plus cruel de ma vie<ref name="n3" />), je n'ai cessé de penser à vous — comme au grand ami de mon intelligence — au milieu de malheurs où je n'avais plus mon intelligence.
In this terrible anguish of war and the anguish that was my “Pre-War”<ref name="n2" /> (because the whole of last summer was for me the cruellest of my life<ref name="n3" />), I have never stopped thinking about you - as a great friend of the mind - in the midst of misfortunes when I was no longer in possession of my mind


Et puis la guerre a éclaté ! Mon frère parti le premier jour pour Verdun<ref name="n4" /> comme major, puis sur la ligne de feu n'a cessé de courir les plus grands dangers<ref name="n5" />. Tous mes plus chers amis sont sur le front. C'est une tranquillité du moins pour moi de savoir que vous ne pouvez « partir ». Moi-même je n'ai pas encore passé mon conseil de contre-réforme. J'espère que votre santé ne subit pas trop cruellement le contre-coup de ces anxiétés, et aussi que vous n'avez pas eu d'amis trop éprouvés. Hélas j'ai déjà des amis<ref name="n6" />, des parents<ref name="n7" /> même, tués.
Et puis la guerre a éclaté ! Mon frère parti le premier jour pour Verdun<ref name="n4" /> comme major, puis sur la ligne de feu n'a cessé de courir les plus grands dangers<ref name="n5" />. Tous mes plus chers amis sont sur le front. C'est une tranquillité du moins pour moi de savoir que vous ne pouvez « partir ». Moi-même je n'ai pas encore passé mon conseil de contre-réforme. J'espère que votre santé ne subit pas trop cruellement le contre-coup de ces anxiétés, et aussi que vous n'avez pas eu d'amis trop éprouvés. Hélas j'ai déjà des amis<ref name="n6" />, des parents<ref name="n7" /> même, tués.

Revision as of 11:05, 4 January 2021

Other languages:

Marcel Proust to Louis de Robert 3 January [1915]

3 January[1]

102 boulevard Haussmann

Dear friend

In this terrible anguish of war and the anguish that was my “Pre-War”[2] (because the whole of last summer was for me the cruellest of my life[3]), I have never stopped thinking about you - as a great friend of the mind - in the midst of misfortunes when I was no longer in possession of my mind

Et puis la guerre a éclaté ! Mon frère parti le premier jour pour Verdun[4] comme major, puis sur la ligne de feu n'a cessé de courir les plus grands dangers[5]. Tous mes plus chers amis sont sur le front. C'est une tranquillité du moins pour moi de savoir que vous ne pouvez « partir ». Moi-même je n'ai pas encore passé mon conseil de contre-réforme. J'espère que votre santé ne subit pas trop cruellement le contre-coup de ces anxiétés, et aussi que vous n'avez pas eu d'amis trop éprouvés. Hélas j'ai déjà des amis[6], des parents[7] même, tués.

Je ne sais pas si vous êtes de mon avis, je trouve la presse bien inférieure aux grandes choses dont elle parle. Je lui trouve un ton déplorable et qui risque de diminuer la portée de la Victoire, de la Victoire hélas encore si lointaine. Puisse-t-elle venir en 1915 et sans que de vos amis les plus chers soient tombés. Cher ami que 1915 vous apporte aussi un affermissement de votre santé et l'inspiration de belles œuvres.

De tout mon cœur, votre

Marcel Proust

[8] [9]

Notes

  1. Note 1
  2. Note 2
  3. Note 3
  4. Note 4
  5. Note 5
  6. Note 6
  7. Note 7
  8. Translation notes:
  9. Contributors: