CP 05405/en: Difference between revisions

From Corr-Proust Wiki
Jump to navigation Jump to search
(Created page with "<ref name="n16"> Note 16 </ref>")
(Created page with "<ref name="n17"> Note 17 </ref>")
Line 55: Line 55:
<ref name="n16"> Note 16 </ref>
<ref name="n16"> Note 16 </ref>


<ref name="n17"> André Arnyvelde avait en fait écrit : « M. Marcel Proust me parle dans la grande chambre obscure dont il ne sort presque jamais » (nous soulignons). [FP] </ref>
<ref name="n17"> Note 17 </ref>


<ref name="n18"> Proust dû remarquer dans L'Intransigeant une série d’articles, « Les embusqués » (29 novembre 1914), « Vrais et faux embusqués » (3 décembre 1914) et « Ceux qui ne partent pas » (8 décembre 1914), où Bailby dénonce le zèle des conseils de révision qui « [font] admettre comme bons au service toutes les catégories de valides et… d’invalides, les demi bien portants et des mal portants caractérisés » (« Vrais et faux embusqués », 3 décembre 1914) ; ces articles ont peut-être motivé sa lettre, écrite le 9 décembre. Proust reprend l'argument employé ici dans une lettre à Joseph Reinach [peu après la mi-janvier 1915] : « le Temps et bien d’autres journaux qui m’ont “interviewé” il y a plus d’un an quand il ne pouvait être question d’“embusquage”, [ont] raconté […] que depuis dix ans je ne me levais pas une fois par mois » (CP 02896 ; Kolb, XIV, nº 7). Une note de Philip Kolb précise : « Exagération », citant à l’appui les interviews du Temps et du Miroir (Kolb, XIV, nº 7, n. 14). [FP] </ref>
<ref name="n18"> Proust dû remarquer dans L'Intransigeant une série d’articles, « Les embusqués » (29 novembre 1914), « Vrais et faux embusqués » (3 décembre 1914) et « Ceux qui ne partent pas » (8 décembre 1914), où Bailby dénonce le zèle des conseils de révision qui « [font] admettre comme bons au service toutes les catégories de valides et… d’invalides, les demi bien portants et des mal portants caractérisés » (« Vrais et faux embusqués », 3 décembre 1914) ; ces articles ont peut-être motivé sa lettre, écrite le 9 décembre. Proust reprend l'argument employé ici dans une lettre à Joseph Reinach [peu après la mi-janvier 1915] : « le Temps et bien d’autres journaux qui m’ont “interviewé” il y a plus d’un an quand il ne pouvait être question d’“embusquage”, [ont] raconté […] que depuis dix ans je ne me levais pas une fois par mois » (CP 02896 ; Kolb, XIV, nº 7). Une note de Philip Kolb précise : « Exagération », citant à l’appui les interviews du Temps et du Miroir (Kolb, XIV, nº 7, n. 14). [FP] </ref>

Revision as of 18:58, 29 December 2020

Other languages:

Marcel Proust à Léon Bailby [le 9 décembre 1914]

102 bd Haussmann[1]

Mon cher Léon[2]

Je voudrais, si cela ne vous ennuie pas trop demander un conseil, non pas au Directeur de l’Intransigeant[3] mais à l’officier de réserve et surtout à l’ami[4]. En deux mots, après avoir fait mon service dans l’Infanterie[5] (et avoir à ce moment fait jouer plus de « piston » pour ne pas être réformé que beaucoup pour l’être), quand plus tard j’ai été trop souffrant je me suis fait nommer officier d’administration[6]. Mais mon état s’aggravant je n’ai jamais exercé ces fonctions (bien que j’aie eu de l’avancement à l’ancienneté !), si bien qu’il y a quatre ans[7] après visite d’un major[8], j’ai été rayé des cadres par décision présidentielle pour raison de santé[9].

Quand cet été on a dit que tous les réformés auraient à passer un conseil de révision et devaient se faire inscrire à leur mairie[10], j’étais fort malade, peu au courant, et pour ne pas risquer de ne pas être en règle je me suis fait inscrire à la mairie[11]. J’ai dit à la personne qui s’est chargée de ce soin[12] de donner les renseignements qu’on lui demanderait mais comme on n’a pas parlé de la question « officier », j’ai jugé inutile de faire étalage de ce grade, ne connaissant pas un mot du métier. Je vais donc d’un jour à l’autre je pense être convoqué pour un conseil de révision. Mais un de mes amis officier de réserve[13] qui passait par Paris et entrait me voir l’autre jour et à qui j’ai raconté cela m’a dit (j’ignore s’il est bien informé) 1º que cette contre-réforme était pour les hommes et nullement pour les officiers. 2º que quand au conseil de révision on verrait que j’étais officier on ne m’examinerait pas et que j’aurais eu une fatigue inutile. Pour le second point je crois que je n’ai qu’à attendre ma convocation et aussitôt demander à la Place[14] de prévenir le recrutement que je n’irai pas au conseil de révision et me ferai visiter à la Place. Ce que j’aurais le mieux aimé c’est ne pas être visité du tout, mes certificats médicaux établissant mon absolue incapacité[15], d’ailleurs quand j’ai fait mon livre le Temps, d’autres journaux m’ont fait interviewer[16], et leurs rédacteurs ont dit qu’ils étaient venus près de mon lit que je ne quittais pas depuis des années[17]. Or à ce moment on ne prévoyait pas les événements et cela ne pouvait pas être un moyen préventif d’« embusquage[18] » ! Mais enfin si je dois être visité je préfère me déranger et aller à la Place plutôt que de laisser un major souffrir de mes fumigations au milieu desquelles il aurait la plus grande chance de se trouver et qui rendent l’atmosphère de ma chambre irrespirable. Mais peut-être n’y a-t-il pas besoin que je sois visité du tout si la contre-réforme ne s’applique pas aux officiers. Et c’est ici que vous pourriez peut-être me renseigner, car je crois me rappeler qu’à Versailles quand vous étiez si joli cavalier, vous étiez officier de réserve[19]. Si vous ne le savez pas, ne prenez pas la peine de le faire demander à la Place, car d’Albufera va me donner une lettre[20] pour le Commandant de Sachs[21] qui y est, et puis je connais Reinach qui doit y être aussi[22]. (Lequel vaut le mieux ?) Votre intervention ne me serait précieuse (et combien) que si vous connaissiez le chef dont je dépends, c'est-à-dire le Directeur du Service de Santé (je crois le M. Inspecteur Février) assez pour qu’il réglât le tout sur mes certificats. Mais c’est peu probable. Mais peut-être pouvez-vous en tous cas me dire si la contre-réforme s’appliquerait aux officiers.

Cher Léon, exprès je me suis limité au conseil pratique que j’avais à vous demander. Sans cela, il y aurait trop eu à dire ! Je vous avais écrit[23] je crois l’été dernier, après mon grand chagrin[24], avant le coup de foudre de la guerre. Depuis comme tout le monde j’ai tremblé pour des vies chères. Vous avez su sans doute que l’hôpital de mon frère a été bombardé à Étain pendant qu’il opérait et depuis il n’a cessé de courir – et d’aller au-devant – des plus grands dangers. En ce moment il est dans l’Argonne[25] mais il y a un mois que je n’ai eu de ses nouvelles. J’espère que vous n’avez pas trop d’inquiétudes et de chagrins autour de vous. Si vous me répondez vous me feriez bien plaisir en me donnant des nouvelles d’Albert Flament[26]. Comme détail sans importance j’aimerais savoir à quel stupide discoureur vous faisiez allusion hier, qui avait parlé de la « synthèse du courage » !

De tout cœur à vous cher Léon, unis dans la même grande angoisse et la même grande espérance

Votre Marcel Proust

[27] [28]

Notes

  1. Note 1
  2. Note 2
  3. Note 3
  4. Note 4
  5. Note 5
  6. Note 6
  7. Note 7
  8. Note 8
  9. Note 9
  10. Note 10
  11. Note 11
  12. Note 12
  13. Note 13
  14. Note 14
  15. Note 15
  16. Note 16
  17. Note 17
  18. Proust dû remarquer dans L'Intransigeant une série d’articles, « Les embusqués » (29 novembre 1914), « Vrais et faux embusqués » (3 décembre 1914) et « Ceux qui ne partent pas » (8 décembre 1914), où Bailby dénonce le zèle des conseils de révision qui « [font] admettre comme bons au service toutes les catégories de valides et… d’invalides, les demi bien portants et des mal portants caractérisés » (« Vrais et faux embusqués », 3 décembre 1914) ; ces articles ont peut-être motivé sa lettre, écrite le 9 décembre. Proust reprend l'argument employé ici dans une lettre à Joseph Reinach [peu après la mi-janvier 1915] : « le Temps et bien d’autres journaux qui m’ont “interviewé” il y a plus d’un an quand il ne pouvait être question d’“embusquage”, [ont] raconté […] que depuis dix ans je ne me levais pas une fois par mois » (CP 02896 ; Kolb, XIV, nº 7). Une note de Philip Kolb précise : « Exagération », citant à l’appui les interviews du Temps et du Miroir (Kolb, XIV, nº 7, n. 14). [FP]
  19. Bailby raconte son volontariat dans un chapitre de Pourquoi je me suis battu : Souvenirs (Paris, Plon, 1951). Il est incorporé à Rouen dans un régiment de cavalerie, le 12e chasseurs à cheval (p. 21-25), puis devient sous-lieutenant de réserve à Versailles. Il y rencontre un certain Charles Morel, « peintre et dessinateur, disciple et ami de Detaille » (p. 31), lequel avec sa femme l’initie « pour la première fois à Wagner ». Bailby enchaîne immédiatement sur un autre souvenir : « la seconde initiation qui m’en fut donnée me vint de Marcel Proust » (p. 32). Mais il n’indique pas de dates pour ces événements, et ne précise pas si Proust a lui aussi rencontré cet homme qui partage son nom avec le violoniste de la Recherche. La prochaine date mentionnée est janvier 1896 (p. 47). [FP]
  20. Proust écrit à Joseph Reinach, [peu après la mi-janvier 1915] : « je ne me suis pas servi des lettres que d’Albufera m’avaient données pour la Place (dont je dépends, et non du Recrutement) » (CP 02896 ; Kolb, XIV, nº 7). Les lettres en question ne nous sont pas parvenues (Kolb, XIV, p. 34, n. 5). [PK, FP]
  21. Voir le dossier de la Légion d'honneur du commandant Paul de Sachs. Trois lettres officielles adressées par le commandant de Sachs à Marcel Proust au sujet de son « cas » nous sont parvenues, portant la date du 26 juillet 1915 (CP 02981 ; Kolb, XIV, nº 93), du 28 juillet (CP 02982 ; Kolb, XIV, nº 94) et du 10 septembre (CP 02998 ; Kolb, XIV, nº 110). [FP]
  22. Vers la mi-novembre 1914, Proust fait demander à Joseph Reinach le même renseignement qu'il demande ici à Léon Bailby : en tant qu’officier de réserve, peut-il être sujet à un conseil de contre-réforme ? Cette démarche est évoquée dans deux lettres de Proust à Reinach de la mi-janvier 1915 (CP 02896 et 02897 ; Kolb, XIV, nº 7 et 8). Reinach, député de 1889 à 1898 et de 1906 au 31 mai 1914, avait vraisemblablement des contacts au ministère de la Guerre. Dans la seconde de ses deux lettres, Proust raconte : « Fr. de Madrazo m’avait dit de votre part il y a deux mois que, sans doute possible, ma radiation me déliait de toute obligation militaire. Fort de cette assertion, je ne me suis pas prévalu de ma qualité d’officier […] J’ai fait à l’époque ce que vous aviez dit (c’est-à-dire envoyé à la Mairie), […] ». [FP]
  23. Lettre non retrouvée. [FP]
  24. La mort d’Alfred Agostinelli le 30 mai 1914. [FP]
  25. Proust écrit semblablement à Georges de Lauris le [30 novembre 1914] : « mon frère dont l’hôpital a été bombardé à Étain pendant qu’il opérait […] est maintenant dans l’Argonne et me donne grand souci » (CP 02852 ; Kolb, XIII, nº 201) ; de même à Mme Scheikévitch, le 9 janvier 1915 (CP 02892 ; Kolb, XIV, nº 3). [FP]
  26. Albert Flament (1877-1956) était le compagnon de longue date de Léon Bailby. Voir F. Proulx, « Une lettre à Léon Bailby », Bulletin d'informations proustiennes, 2018, nº 48, p. 16-17, ainsi que l'article de Wikipédia sur Léon Bailby, qui cite de nombreuses sources à ce sujet. Dans sa lettre du [20 juillet 1922] à Bailby, Proust a la même politesse, et demande en post-scriptum : « Comment va Albert » (CP 05118 ; Kolb, XXI, nº 257). Il écrit de même sur une carte de visite envoyée à Flament le [24 ? décembre 1913] : « Dites à Léon que […] » (Françoise Leriche, « Trois lettres à Albert Flament », Bulletin d'informations proustiennes, 2018, nº 48, p. 13). [FP]
  27. (Notes de traduction)
  28. (Contributeurs)