CP 04012: Difference between revisions

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29 décembre 1919
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22 rue Oudinot
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Cher Monsieur,
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je suis très content de l'occasion<ref name="n1" /> qui m'a été offerte de dire (très mal : je me le reproche) un peu du bien que je pense de votre beau livre. J'en ai rarement lu qui m'ait excité davantage. Si j'eusse disposé d'un peu plus de place, j'aurais mieux expliqué pourquoi. Mais, après tout, à quoi bon expliquer, ou vouloir « expliquer pourquoi » ? Je serais bien ennuyé, en tout cas, si vous ne preniez pas cette objection que je fais à votre « composition » comme je l'entends moi-même<ref name="n2" />. Sans doute, votre livre est composé à merveille selon les lois de votre propre sensibilité. Mais il me semble qu'il ne l'est pas selon celles qui ont présidé à la composition de la plupart des œuvres de « chez nous ». Si vous ne trouvez pas cette distinction très claire, ne m'en veuillez pas, je vous prie, car j'ai beaucoup boxé avant le dîner et je suis mort de fatigue.
je suis très content de l'occasion<ref name="n1" /> qui m'a été offerte de dire (très mal : je me le reproche) un peu du bien que je pense de votre beau livre. J'en ai rarement lu qui m'ait excité davantage. Si j'eusse disposé d'un peu plus de place, j'aurais mieux expliqué pourquoi. Mais, après tout, à quoi bon expliquer, ou vouloir « expliquer pourquoi » ? Je serais bien ennuyé, en tout cas, si vous ne preniez pas cette objection que je fais à votre « composition » comme je l'entends moi-même<ref name="n2" />. Sans doute, votre livre est composé à merveille selon les lois de votre propre sensibilité. Mais il me semble qu'il ne l'est pas selon celles qui ont présidé à la composition de la plupart des œuvres de « chez nous ». Si vous ne trouvez pas cette distinction très claire, ne m'en veuillez pas, je vous prie, car j'ai beaucoup boxé avant le dîner et je suis mort de fatigue.


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Je serais heureux d'apprendre que vous vous portez mieux et que votre prix<ref name="n3" />, si justement mérité, vous a été officiellement notifié, tellement officiellement que vous ne doutez plus de l'avoir eu, malgré la manœuvre inouïe de l'éditeur de M. Dorgelès<ref name="n4" />. Tout le monde se rappelle si bien qu'il vous a été accordé que Jean de Pierrefeu m'annonçait, il y a quelques jours, qu'il a l'intention de discuter « le cas Marcel Proust » dans les Débats<ref name="n5" />. Je lui répondrai dans l'Opinion<ref name="n6" />, s'il réalise son projet. Me voilà votre champion, malgré que vous en ayez. Je m'en félicite parce que À la recherche du temps perdu est certainement le livre le plus « original » qui ait paru, à mon goût, depuis X temps. Et je l'aime de tout mon cœur. C'est d'ailleurs un de ces livres qu'on ne saurait aimer sans éprouver une vive sympathie pour leurs auteurs.
Je serais heureux d'apprendre que vous vous portez mieux et que votre prix<ref name="n3" />, si justement mérité, vous a été officiellement notifié, tellement officiellement que vous ne doutez plus de l'avoir eu, malgré la manœuvre inouïe de l'éditeur de M. Dorgelès<ref name="n4" />. Tout le monde se rappelle si bien qu'il vous a été accordé que Jean de Pierrefeu m'annonçait, il y a quelques jours, qu'il a l'intention de discuter « le cas Marcel Proust » dans les Débats<ref name="n5" />. Je lui répondrai dans l'Opinion<ref name="n6" />, s'il réalise son projet. Me voilà votre champion, malgré que vous en ayez. Je m'en félicite parce que À la recherche du temps perdu est certainement le livre le plus « original » qui ait paru, à mon goût, depuis X temps. Et je l'aime de tout mon cœur. C'est d'ailleurs un de ces livres qu'on ne saurait aimer sans éprouver une vive sympathie pour leurs auteurs.


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Veuillez en trouver ici l'assurance, cher Monsieur.
Veuillez en trouver ici l'assurance, cher Monsieur.


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Jacques Boulenger
Jacques Boulenger


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<ref name="n2"> Toujours dans sa lettre à Boulenger du [20 décembre 1919] (voir la note 1 ci-dessus), Proust répond aux reproches du critique en affirmant avoir composé son ouvrage avec « une rigueur inflexible bien que voilée ». [PK, ChC] </ref>
<ref name="n2"> Toujours dans sa lettre à Boulenger du [20 décembre 1919] (voir la note 1 ci-dessus), Proust répond aux reproches du critique en affirmant avoir composé son ouvrage avec « une rigueur inflexible bien que voilée ». [PK, ChC] </ref>


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<ref name="n3"> L'Académie Goncourt avait attribué à Proust son prix pour À l'ombre des jeunes filles en fleurs le 10 décembre 1919 par six voix sur dix, contre les quatre recueillies par Les Croix de bois de Roland Dorgelès (CP 03973 ; Kolb, XVIII, n° 293). [ChC] </ref>
<ref name="n3"> L'Académie Goncourt avait attribué à Proust son prix pour À l'ombre des jeunes filles en fleurs le 10 décembre 1919 par six voix sur dix, contre les quatre recueillies par Les Croix de bois de Roland Dorgelès (CP 03973 ; Kolb, XVIII, n° 293). [ChC] </ref>


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<ref name="n4"> La « manœuvre » dont parle Boulenger, et mentionnée aussi par Proust dans sa lettre du [20 décembre 1919] (CP 03998 ; Kolb, XVIII, nº 318), consiste en la diffusion de réclames trompeuses dans la presse, reproduisant la manchette : « Les Croix de bois : Prix Goncourt » en gros caractères, suivie de « 4 voix sur 10 » en petits caractères (voir par exemple Le Figaro du 18 décembre 1919, rubrique « Librairie », p. 3). Cette action commerciale d'Albin Michel coûtera à l'éditeur des Croix de bois une amende de 2000 francs de dommages-intérêts. [PK, ChC] </ref>
<ref name="n4"> La « manœuvre » dont parle Boulenger, et mentionnée aussi par Proust dans sa lettre du [20 décembre 1919] (CP 03998 ; Kolb, XVIII, nº 318), consiste en la diffusion de réclames trompeuses dans la presse, reproduisant la manchette : « Les Croix de bois : Prix Goncourt » en gros caractères, suivie de « 4 voix sur 10 » en petits caractères (voir par exemple Le Figaro du 18 décembre 1919, rubrique « Librairie », p. 3). Cette action commerciale d'Albin Michel coûtera à l'éditeur des Croix de bois une amende de 2000 francs de dommages-intérêts. [PK, ChC] </ref>


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<ref name="n5"> L'article de Pierrefeu, « Le Cas de M. Proust », paraîtra dans Le Journal des débats du 2 et 3 janvier 1920, p. 3. [FP] </ref>
<ref name="n5"> L'article de Pierrefeu, « Le Cas de M. Proust », paraîtra dans Le Journal des débats du 2 et 3 janvier 1920, p. 3. [FP] </ref>


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<ref name="n6"> La réponse de Boulenger, « Sur M. Marcel Proust », paraîtra dans L'Opinion du 10 janvier 1920, p. 43-45 : elle a été réimprimée sous le titre « Marcel Proust — II » dans ...Mais l'Art est difficile !, p. 97-106. [FP] </ref>
<ref name="n6"> La réponse de Boulenger, « Sur M. Marcel Proust », paraîtra dans L'Opinion du 10 janvier 1920, p. 43-45 : elle a été réimprimée sous le titre « Marcel Proust — II » dans ...Mais l'Art est difficile !, p. 97-106. [FP] </ref>


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Revision as of 12:02, 14 February 2022


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Jacques Boulenger à Marcel Proust, le 29 décembre 1919

(Cliquez le lien ci-dessus pour consulter cette lettre et ses notes dans l’édition numérique Corr-Proust, avec tous les hyperliens pertinents.)

29 décembre 1919

22 rue Oudinot

Cher Monsieur,

je suis très content de l'occasion[1] qui m'a été offerte de dire (très mal : je me le reproche) un peu du bien que je pense de votre beau livre. J'en ai rarement lu qui m'ait excité davantage. Si j'eusse disposé d'un peu plus de place, j'aurais mieux expliqué pourquoi. Mais, après tout, à quoi bon expliquer, ou vouloir « expliquer pourquoi » ? Je serais bien ennuyé, en tout cas, si vous ne preniez pas cette objection que je fais à votre « composition » comme je l'entends moi-même[2]. Sans doute, votre livre est composé à merveille selon les lois de votre propre sensibilité. Mais il me semble qu'il ne l'est pas selon celles qui ont présidé à la composition de la plupart des œuvres de « chez nous ». Si vous ne trouvez pas cette distinction très claire, ne m'en veuillez pas, je vous prie, car j'ai beaucoup boxé avant le dîner et je suis mort de fatigue.

Je serais heureux d'apprendre que vous vous portez mieux et que votre prix[3], si justement mérité, vous a été officiellement notifié, tellement officiellement que vous ne doutez plus de l'avoir eu, malgré la manœuvre inouïe de l'éditeur de M. Dorgelès[4]. Tout le monde se rappelle si bien qu'il vous a été accordé que Jean de Pierrefeu m'annonçait, il y a quelques jours, qu'il a l'intention de discuter « le cas Marcel Proust » dans les Débats[5]. Je lui répondrai dans l'Opinion[6], s'il réalise son projet. Me voilà votre champion, malgré que vous en ayez. Je m'en félicite parce que À la recherche du temps perdu est certainement le livre le plus « original » qui ait paru, à mon goût, depuis X temps. Et je l'aime de tout mon cœur. C'est d'ailleurs un de ces livres qu'on ne saurait aimer sans éprouver une vive sympathie pour leurs auteurs.

Veuillez en trouver ici l'assurance, cher Monsieur.

Jacques Boulenger

[7] [8]

Notes

  1. Dans sa lettre du [20 décembre 1919] (CP 03998 ; Kolb, XVIII, nº 318), Proust manifeste sa reconnaissance à Boulenger pour l'« admirable » article, quoique « ça et là injuste et faux », publié dans L'Opinion le jour même (12ème année, n° 51, p. 610-612). Cet article a été réimprimé sous le titre « Marcel Proust — I » dans le recueil ...Mais l'Art est difficile ! (Paris, Plon, 1ère série, 1921-1922, p. 86-97). [PK, ChC, FP]
  2. Toujours dans sa lettre à Boulenger du [20 décembre 1919] (voir la note 1 ci-dessus), Proust répond aux reproches du critique en affirmant avoir composé son ouvrage avec « une rigueur inflexible bien que voilée ». [PK, ChC]
  3. L'Académie Goncourt avait attribué à Proust son prix pour À l'ombre des jeunes filles en fleurs le 10 décembre 1919 par six voix sur dix, contre les quatre recueillies par Les Croix de bois de Roland Dorgelès (CP 03973 ; Kolb, XVIII, n° 293). [ChC]
  4. La « manœuvre » dont parle Boulenger, et mentionnée aussi par Proust dans sa lettre du [20 décembre 1919] (CP 03998 ; Kolb, XVIII, nº 318), consiste en la diffusion de réclames trompeuses dans la presse, reproduisant la manchette : « Les Croix de bois : Prix Goncourt » en gros caractères, suivie de « 4 voix sur 10 » en petits caractères (voir par exemple Le Figaro du 18 décembre 1919, rubrique « Librairie », p. 3). Cette action commerciale d'Albin Michel coûtera à l'éditeur des Croix de bois une amende de 2000 francs de dommages-intérêts. [PK, ChC]
  5. L'article de Pierrefeu, « Le Cas de M. Proust », paraîtra dans Le Journal des débats du 2 et 3 janvier 1920, p. 3. [FP]
  6. La réponse de Boulenger, « Sur M. Marcel Proust », paraîtra dans L'Opinion du 10 janvier 1920, p. 43-45 : elle a été réimprimée sous le titre « Marcel Proust — II » dans ...Mais l'Art est difficile !, p. 97-106. [FP]
  7. (Notes de traduction)
  8. (Contributeurs)