CP 03804

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Marcel Proust à Robert de Flers [le 16 juin 1919]

(Cliquez le lien ci-dessus pour consulter cette lettre et ses notes dans l’édition numérique Corr-Proust, avec tous les hyperliens pertinents.)

8bis rue Laurent Pichat[1]

Mon cher Robert

Si tu ne me trouves pas trop "avant-guerre" (je ne le suis nullement !) en te parlant livres, je viens te demander, au sujet de trois volumes de moi qui paraîtront à la fin de la semaine aux Editions de la Nouvelle Revue française[2]. Calmette, sans préjudice de ce que pouvait écrire sur mes livres le critique littéraire du Figaro, avait l'habitude, avant cette critique, et dès l'apparition du livre, de mettre en tête du journal un long article. C'est ainsi que Lucien Daudet fit paraître en tête du Figaro un article de trois colonnes sur Du Côté de chez Swann[3], ce qui n'empêcha pas Chevassu d'en parler ensuite[4]. Il me semble que cette gentillesse m'est d'autant plus due cette fois, que le Figaro après avoir, grâce à toi, annoncé un feuilleton de moi, a refusé, à cause de la cherté de papier, de le publier (sans le connaître d'ailleurs)[5], malgré les démarches de Bernstein. Je crois donc que ce sera une compensation toute naturelle que le Figaro ne manque de faire cette fois-ci pour moi ce qu'il faisait autrefois. Les volumes qui paraissent cette semaine sont d'une part la suite de Swann, qui porte le titre de : « A l'Ombre des jeunes filles en fleurs » et qui est le second volume de A la Recherche du Temps Perdu dont Du Côté de chez Swann était le premier. En même temps paraissent un volume de « Pastiches et Mélanges », et une réimpression de « Du Côté de chez Swann » . Je n'ose pas espérer que tu interrompes ta magnifique série d'études sur la Russie ; la Roumanie[6], pour parler toi-même de mes livres. Parmi les écrivains qui je crois le feraient volontiers je pense très au hasard (celui-là en ne lui disant pas que je l'ai désigné) à Louis de Robert, à Edmond Jaloux, à Francis de Miomandre. C'est un article qu'Edmond Rostand voulait faire, que André Gide ferait admirablement, et certainement avec plaisir. Je pense que Léon Blum le ferait aussi volontiers. S'il te semble impossible en ce moment de mettre en tête d'un journal un article sur des livres, je me résignerais à « l'Instantané »[7]. Je crois que peu de personnes le feraient aussi bien que Robert Dreyfus qui me connaît si bien. Pardonne moi les répétitions, le désordre de cette lettre. Mon état de santé aggravé depuis quelque temps est devenu déplorable depuis que, la maison que j'habitais ayant été transformée en banque, j'ai dû déménager. J'ai loué provisoirement du moins à Madame Réjane[8] et le voisinage du Bois ajoute mes crises d'asthme de foin à des souffrances plus sérieuses, mais qui y trouvent une raison de recrudescence. Je n'ai dit cette nouvelle adresse à personne pour qu'on ne vienne pas troubler le peu de repos – à peu près nul – que j'ai. C'est te dire que je me fie à ta discrétion si on te demande où j'habite.

Crois mon cher Robert à ma bien profonde amitié admirative

Marcel Proust

[9] [10]

Notes

  1. Cette lettre doit dater du [lundi 16 juin 1919], moment où Proust apprend que ses trois livres doivent paraître « à la fin de la semaine ». Voir la note 2. [PK]
  2. Proust apprend cette nouvelle par une lettre que Gustave Tronche lui adresse le dimanche 15 juin 1919 : « vos volumes seront chez tous les libraires de Paris à la fin de la semaine » (CP 03802 ; Kolb, XVIII, nº 121). [PK, FP]
  3. Lucien Daudet, « Du côté de chez Swann », Le Figaro, 27 novembre 1913, p. 1. [PK, FP]
  4. Francis Chevassu, « La Vie littéraire : À la recherche du temps perdu, par Marcel Proust ; Le Peuple de la mer, par Marc Elder », Le Figaro, 8 décembre 1913, p. 4. [PK, FP]
  5. Alfred Capus refusa de publier le feuilleton de Proust au mois de septembre 1918 : voir la lettre de Proust à Lionel Hauser du 15 septembre [1918] (CP 03588; Kolb, XVII, nº 148). [PK, FP]
  6. Allusion à des articles de Robert de Flers qui avaient paru récemment en tête du Figaro, notamment, à la date du 5 et du 6 mai 1919, « Les Marionnettes de Berlin », le 16 mai « La Route du pain », le 21 mai « Ne pleurons pas ou la route de Bucarest à Versailles », le 5 juin « Pour les moindres puissances : La Petite Table ». Il en paraîtra un autre, le 27 juin, non encore paru au moment où Proust écrit, sous le titre « Pour les moindres puissances : La Barrière ». [PK, FP]
  7. C'est la solution que va proposer Robert de Flers dans la lettre par laquelle il répondra à Proust le [2 ou 3 juillet 1919] (CP 03836; Kolb, XVIII, nº 155). [PK]
  8. Proust quitte le 102 boulevard Haussmann pour le 8 bis rue Laurent-Pichat vers le 31 mai. Il y résidera jusqu'au 1er octobre. [CSz]
  9. (Notes de traduction)
  10. (Contributeurs)