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Marcel Proust à Jean Cocteau [peu après le lundi 21 mai 1917]

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[1]

Cher Jean

Si je n’avais une telle crise aujourd’hui je voudrais vous dire – et pour Monsieur Picasso – les éternuements et le spleen que provoque inlassablement en moi le bleu dominical aux astragales blanches de l’acrobate incompris[2], dansant « Comme s’il adressait des reproches à Dieu. » [3] Je vis avec cette nostalgie. Les autres ballets[4] étaient quelconques. Celui-là poignant et continue à développer en moi je vous dirai quels regrets. Je revois le cheval mauve[5] comme le Cygne « avec ses gestes fous, Comme les exilés ridicule et sublime ». [6] « Et puis je pense à vous ».[7] À vous, Jean, et je pense aussi à l’« écossais » de la petite fille, si touchant, de la petite fille qui freine et met en marche si merveilleusement. Quelle concentration dans tout cela, quelle nourriture pour des âges de famine et quel chagrin quand j’avais encore des jambes de n’avoir pas fréquenté la poussière des cirques et tout ce dont j’ai ce soir la déchirante pitié. Merci cher Jean de m’avoir aidé de toutes façons[8] à faire l'effort dans l'état où j'étais d’aller chercher au Châtelet « Le seul pain si délectable Que ne sert pas à sa table Le monde que nous suivons ». [9] Comme Picasso est beau.

Tendrement à vous

Marcel

Notes

  1. Note 1
  2. Note 2
  3. Note 3
  4. Note 4
  5. Note 5
  6. Note 6
  7. Note 7
  8. Note 8
  9. Note 9
  10. Translation notes:
  11. Contributors: