CP 03100: Difference between revisions

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Marcel Proust à Lionel Hauser le mercredi 17 mai 1916

(Cliquez le lien ci-dessus pour consulter cette lettre et ses notes dans l’édition numérique Corr-Proust, avec tous les hyperliens pertinents.)

Mercredi 17 mai 1916[1]

Mon cher Lionel

Tu peux imaginer à quel point je suis touché que tu te sois occupé de faire réduire mes intérêts à payer, et tout aussi émerveillé de ta puissance que de ta bonté. J'ignore quel est ton banquier miraculeux et si désintéressé[2], mais que tu l'aies déniché ainsi avec cette promptitude et ce flair excite chez moi une admiration sans égale. Aussi je regrette d'apprendre que tu n'es pas portugais[3], non seulement parce que « Les Portugais / Sont toujours gais[4] » mais parce que j'aurais tâché que mon épître fût aussi brûlante que les fameuses « Lettres portugaises »[5]. Quoi qu' il en soit je n'ai pas attendu de savoir que tu étais anglais pour marquer dans mes études sur Ruskin mes prédilections pour le Royaume-Uni[6].

Ceci dit je réponds avec autant de précision qu'une terrible crise et soixante-dix heures d'insomnie me permettent de le faire. Je n'ai plus aucun compte chez les coulissiers. J'ai réglé Léon, Wellhoff[7] etc. Mon seul coulissier est le Crédit Industriel (Carpet et Mexico). Pour les titres que je possède tu en as la liste chez toi[8] (seules sont postérieures les ventes d'Interborough, Hollandais, Saragosse, Maïkop et Nord Espagne). Je possède par exemple 57 actions de la Compagnie des Eaux[9] et des obligations russes. Tu n'as qu'à te reporter aux tableaux que tu as fait établir[10]. Le Crédit Industriel n'envoie pas ces relevés de valeurs, sauf les fois où je les lui ai demandés. Leur compte arrêté au 31 mars est dans les papiers ci-inclus mais ne peut te servir beaucoup, voici pourquoi. Non seulement j'ai chez eux mon compte 2080, que compliquent le compte Ouverture de Crédit[11] et le compte de liquidation, mais d'autre part ayant déposé chez eux certaines valeurs Rothschild dont la vente devait éteindre ma dette et dont aucune sauf celles citées plus haut n'a pu être vendue, je me suis fait ouvrir un deuxième compte distinct de façon que les revenus de ces valeurs ne soient point absorbés par l'ouverture de crédit. Ce deuxième compte ne peut être que créditeur. Mais sans doute parce qu'il est récent, ils ne m'ont envoyé le compte trimestriel que de l'autre compte (2080) et aucun pour celui-ci.

À mon avis le mieux serait d'accepter (avec joie) l'offre de ton banquier en tâchant qu'il ait à payer au Crédit Industriel la somme la plus faible possible (par exemple en bazardant immédiatement les Carpet et les Mexico non vendus, le Banco Espanol du Rio de la Plata). – (Pour la Doubowaïa on me dit qu'elle marche très bien en ce moment. C'est comme tu penseras.) Une fois arrêtée la somme qui restera à payer au Crédit Industriel, sans s'occuper si ce sont des valeurs en garantie de gage, ou des valeurs Rothschild, ou des valeurs Hauser, on donnerait à ton banquier mes valeurs les plus solides jusqu'à concurrence du prix qu'il demanderait. Par exemple si les titres Rothschild et Industriel de première qualité ne suffisaient pas, on pourrait faire un appoint avec un peu du 5 % que tu m'as acheté, quitte à le remplacer chez toi par une somme équivalente de valeurs du Crédit Industriel moins solides (prises de préférence dans le compte 2080 car il y a si peu de temps que j'ai ouvert l'autre).

En un mot gratitude, joie, adhésion pleine et entière, ainsi peuvent se résumer les sentiments de ton bien reconnaissant

Marcel Proust

Ci-inclus le récépissé dûment acquitté des Suez[12].

[13] [14]

Notes

  1. Cette lettre date du même jour que celle à laquelle Proust répond (CP 03099 ; Kolb, XV, n° 35). [PK]
  2. Proust avait obtenu en 1912 une avance de 218 000 francs du Crédit industriel et commercial, sur laquelle il payait 8 % d'intérêts annuels (Gian Balsamo, Proust and his Banker: In Search of Time Squandered, Columbia, South Carolina, The University of South Carolina Press, 2017, p. 38). Dans sa lettre du 17 mai 1916, Hauser annonce qu'il a trouvé un autre établissement prêt à accepter un transfert de cette dette à un taux d'intérêt plus avantageux, 5 ½ % (CP 03099 ; Kolb, XV, n° 35). Il tait pour l'instant le nom de cette banque, et ne le révélera qu'une fois la transaction conclue (CP 03123 ; Kolb, XV, nº 59). [FP]
  3. Hauser avait écrit, dans sa lettre du 17 mai 1916 (CP 03099 ; Kolb, XV, n° 35) : « je n'ai jamais été de nationalité portugaise. » [PK]
  4. Refrain d'un air de l'opéra bouffe Le Jour et la Nuit (1881), musique de Charles Lecocq, paroles d'Alberto Van Loo et Eugène Leterrier : voir la transcription pour piano. [PK, FP]
  5. Jusqu'au début du vingtième siècle, ces lettres étaient considérées comme authentiques, et attribuées à une religieuse portugaise, Marianne Alcaforada. C'est seulement en 1926 que fut avancée l'hypothèse, ensuite confirmée, qu'il s'agissait d'une oeuvre fictive écrite par le comte de Guilleragues. [FL]
  6. Allusion aux lectures de Ruskin entreprises par Proust à partir de 1899, qui ont abouti aux articles et études publiés de 1900 à 1903, et aux traductions copieusement annotées de La Bible d'Amiens (1904) et Sésame et les Lys (1906). [PK, FL]
  7. Il s'agit de la maison Wellhoff, Neustadtl et Cie, banquiers. [PK]
  8. Proust avait envoyé à Hauser la liste des valeurs qu'il possédait chez Rothschild frères et au Crédit industriel et commercial avec sa lettre du vendredi 22 octobre 1915 (CP 03006 ; Kolb, XIV, n° 118). La vente des valeurs destinées à rembourser sa dette s'était effectuée au mois de novembre 1915. [PK, CB]
  9. Il s'agit sans doute de la Compagnie générale des eaux. — Dans le roman, le père du protagononiste consulte M. de Norpois au sujet de placements qu'il a faits pour son fils, lui montrant quelques-uns des titres ; ainsi, est décrite « dans son encadrement rectangulaire et fleuri que supportaient des divinités fluviales, une action nominative de la Compagnie des Eaux. » (RTP, I, 446.) [PK, FP]
  10. Allusion, semble-t-il, aux relevés des comptes de Proust et leur analyse, que Hauser lui avait envoyés avec sa lettre du 29 octobre 1915 (CP 03013 ; Kolb, XIV, n° 125). [PK]
  11. Voir la note 3 ci-dessus. C'est cette ouverture de crédit au Crédit industriel et commercial qui avait permis à Proust d'acheter un stock énorme de Doubowaïa Balka, qu'il avait ensuite donné l'ordre de vendre avant le déclenchement de la guerre. Voir les lettres écrites à Hauser le 26 juillet [1914] et [vers le 28 juillet 1914] (CP 02805 et CP 02807 ; Kolb, XIII, n° 154 et n° 156). [PK, FP]
  12. Hauser avait demandé le récépissé des 31 parts de la Société civile de Suez dans sa lettre du 17 mai 1916 (CP 03099 ; Kolb, XV, n° 35). [PK]
  13. (Notes de traduction)
  14. (Contributeurs)