CP 03031

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Marcel Proust à Lionel Hauser [le 22 ou le 23 novembre 1915]

(Cliquez le lien ci-dessus pour consulter cette lettre et ses notes dans l’édition numérique Corr-Proust, avec tous les hyperliens pertinents.)

[1]

Mon cher Lionel

Je t'envoie ci-inclus, d'après ton autorisation[2], ce qui concerne ces deux cents Caucasian[3]. Quant au Crédit Industriel, il m'assure que mon Egyptien, Carpet, etc. n'a pas de marché du tout actuellement.

Excuse-moi si pour ton beau-frère j'ai encore une fois gaffé[4]. Tu m'avoueras que mon erreur ne m'est pas tout entière imputable. Quand tu as eu la gentillesse de me parler de lui[5], il m'avait bien semblé en effet que je ne pouvais avant liquidation retirer des titres à mon coulissier. Et pour cependant ne pas négliger d'avoir recours à lui, j'avais voulu prendre plus tard une « position » chez lui[6]. Tu m'as dit alors que ma lettre t'avait jeté dans une indicible rage. La conclusion s'imposait : Lionel me parle de son beau-frère, il écume à l'idée qu'une fois mes positions liquidées j'en prenne de nouvelles, donc c'est avant que mes positions soient liquidées qu'il pense que je puis me retourner vers son beau-frère. Tâchons de saisir la première occasion décente pour retirer aux autres mes affaires[.]

Or il paraît que c'était mal aussi. Donc pardon d'avoir eu tant de fois de bonnes intentions irréalisables ou qui eussent tourné au plus grand dommage de ta maison, comme dans le cas de ma vente. (Je dois dire que je suis très content du Crédit Industriel qui paraît l'être également de moi.) C'est du reste le caractère habituel des bonnes intentions puisque à cause de cela elles sont le pavage détestable de l'Enfer. Mais tout arrive, et peut-être une fois mieux inspiré, plus favorisé par la chance, j'en aurai une bonne (intention) qui se réalisera, qui ne te déplaira pas, j'en serai très heureux.

Pour Léon, mon impression est qu'il n'y a rien à faire ; si tu es d'un autre avis, je lui dépêcherai le pauvre petit Bardac avant qu'il ne soit reparti[7] (je dis pauvre petit sans dédain crois-le, car je l'aime beaucoup. Mais avoir en quelques mois perdu une oreille, le nerf facial, celui de la jambe[8], son père[9], et encore bien d'autres choses, c'est assez triste. Il lui reste d'avoir infiniment d'esprit et de cœur).

Ton bien affectueusement reconnaissant

Marcel Proust

[10] [11]

Notes

  1. Bien que répondant à la lettre de Hauser du 20 novembre 1915 (CP 03030 ; Kolb, XIV, n° 142), la présente lettre ne peut être antérieure au 22 novembre : mention de la mort de Noël Bardac (voir la note 9 ci-après). Proust envoyant sous ce pli un document boursier ou bancaire relatif à la vente de 200 titres de North Caucasian, il est probable qu'il n'a pas posté cette lettre mais l'aura fait porter par Céleste Albaret, cette dernière ayant en effet effectué une visite à la banque de Hauser le 24 novembre. Cette lettre peut donc dater du 22 ou du 23 novembre 2015. Hauser, privé de personnel et débordé par des souscriptions nombreuses à un nouvel emprunt, n'y répondra que le 26 novembre (CP 03034 ; Kolb, XIV, nº 146). Quant à la lettre de Hauser du 23 novembre 1915 (CP 03032 ; Kolb, XIV, n° 144), où le banquier fait part de sa découverte d'un marché non officiel où le North Caucasian avait en effet été coté à 36 francs par action, il est probable qu'il l'a écrite avant d'avoir reçu celle-ci (sans quoi il n'aurait pas manqué d'accuser réception du document du coulissier) ; mais elle n'a été envoyée que quelques jours plus tard, jointe à la réponse de Hauser du 26. [PK, FL]
  2. Hauser, dans sa lettre du 20 novembre 1915 (CP 03030 ; Kolb, XIV, nº 142), avait écrit : « […] si tu veux bien m'indiquer le jour où l'opération a été faite, je ferai vérifier. » [PK]
  3. Il s'agit des justificatifs pour la vente de 200 actions de North Caucasian par le coulissier Léon au cours de 36 francs par titre : la Cote de la Bourse n'indiquant aucune cotation en-dessous de 40, Proust avait fait part à Hauser de son étonnement dans sa lettre du jeudi [18 novembre 1915] (CP 03028 ; Kolb, XIV, n° 140), et il lui envoyait donc les documents relatifs à cette vente pour que ce dernier puisse vérifier la régularité de l'opération. [FL]
  4. Dans sa lettre à Hauser du jeudi [18 novembre 1915] (CP 03028 ; Kolb, XIV, nº 140), méfiant devant le cours insolite auquel le coulissier Léon avait vendu ses North Causasian (voir note 3 ci-dessus), Proust envisageait de retirer à Léon la vente des 800 titres restants si le beau-frère de Hauser pouvait les réaliser à un meilleur cours. Dans sa réponse en date du 20 novembre 1915 (CP 03030 ; Kolb, XIV, nº 142), Hauser l'avertissait qu'il ne pourrait pas changer de coulissier tant qu'il n'aurait pas « liquidé sa position », tous ces North Caucasian ayant été achetés à terme pour lui par Léon. [PK, FL]
  5. Allusion à une lettre non retrouvée de Lionel Hauser, dont il est question dans la lettre de Proust du [lundi soir 1er novembre 1915] (CP 03019 ; Kolb, XIV, nº 131). [PK]
  6. C'est dans sa lettre du [lundi soir 1er novembre 1915] (CP 03019 ; Kolb, XIV, nº 131), que Proust manifestait le projet, une fois sa situation boursière assainie, d'employer les économies réalisées grâce aux bons conseils de Hauser pour « reprendre chez [s]on parent […] les titres actuellement délaissés sur [s]on ordre », autrement dit : de reprendre ses spéculations, mais en employant comme coulissier, au lieu de Léon, le beau-frère de Hauser jugé plus fiable. [FL]
  7. D'après sa fiche militaire aux Archives de Paris, Henri Bardac, qui avait rejoint son régiment (le 106e régiment d'infanterie) dès le début août 1914, avait été ensuite affecté à la Commission internationale de Ravitaillement de Londres, par décision ministérielle du 1er août 1915. Ici, lorsque Proust dit « avant qu'il ne soit reparti », il ne doit pas s'agir d'un retour au front après une permission, mais d'un retour à Londres après un séjour à Paris. [FL]
  8. Sa fiche militaire mentionne que la commission de réforme du 6 mai 1918 l'a déclaré « inapte définitif à faire campagne pour cause de paralysie faciale côté gauche suite de blessure de guerre, surdité côté gauche, ankylose de la cheville ». Aucune hospitalisation militaire n'est indiquée, qui permettrait de connaître la date approximative de ces blessures. La lettre de Proust suggère que ces blessures ont dû survenir en 1915. D'après les données personnelles consignées sur cette fiche militaire, Henri Bardac mesurait 1m 60, ce qui peut aussi expliquer que Proust l'appelle le « petit Bardac ». [FL]
  9. Le père d'Henri Bardac, le banquier Noël Nathan Bardac, est décédé le 21 novembre 1915 (voir Le Figaro du 22 novembre 1915, p. 3, « Le Monde & la Ville : Deuil »). Les obsèques ont lieu le mercredi 24 novembre 1915 (Le Figaro, 23 novembre 1915, p. 3, « Le Monde & la Ville : Deuil »). [PK]
  10. (Notes de traduction)
  11. (Contributeurs)