CP 02843

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Marcel Proust à Daniel Halévy [le lundi 7 septembre 1914]

(Cliquez le lien ci-dessus pour consulter cette lettre et ses notes dans l’édition numérique Corr-Proust, avec tous les hyperliens pertinents.)

[1]

Cher ami

Ces quelques mots pour te dire que c'est en pleurant que j'ai lu les Trois Croix[2]. En ce temps où il y a tant de sublime dans les faits, et si peu dans les paroles et les écrits, où chacun annonce que la Guerre a transformé les esprits, mais l'annonce en un style qui montre trop qu'elle n'a rien transformé du tout, où les mêmes sottises, les mêmes banalités reviennent, soit pires encore, soit semblant telles par leur confrontation aux grandes choses qu'elles s'imaginent exprimer, en ce temps où on ne peut pas lire un journal sans dégoût, et où peut-être pas une ligne décente n'a encore été écrite sur la guerre, je crois que les Trois Croix sont le premier morceau de littérature guerrière (ne te froisse pas du mot littérature qui au sens où je le prends et où tu l'entends j'espère est fort noble) qu'il m'ait été donné de lire. Que de choses j'aurais à te dire à un moment où jamais le désarmement complet des intelligences n'a été si funeste.

Ton bien ému et admiratif

Marcel Proust

[3] [4]

Notes

  1. Cette lettre, datée seulement de « novembre 1914 » dans la revue, doit avoir été écrite [peu après le lundi soir 16 novembre 1914], puisque Proust y cite un article du destinataire paru dans le Journal des Débats du mardi 17 novembre, journal du soir portant la date du lendemain. [PK, CSz]
  2. Article de Daniel Halévy paru dans le Journal des Débats du mardi 17 novembre 1914, p. 2, sous le titre « Les Trois Croix ». Le destinataire a reproduit son article, avec la lettre de Proust, dans la revue Le Divan (janvier-mars 1956), p. 294-298 ; il affirme avoir traduit le récit du soldat en le transposant ; il avait trouvé le texte du récit dans « un journal anglais dont [s]a mémoire n'a[vait] pas retenu le titre ». Le même événement est relaté brièvement dans L'Intransigeant du 15 novembre 1914, p. 1, sous le titre « Pour sauver un ennemi ». Il s'agit de la mort héroïque d'un officier qui commandait une section d'infanterie anglaise dans la plaine devant le faubourg d'Ypres. [PK]
  3. (Notes de traduction)
  4. (Contributeurs)